vendredi 10 avril 2015

Un certain malaise / de retour à l'enseignement

Ces derniers jours, on entend beaucoup parler d'austérité et pas assez, à mon goût, de coupures en éducation (pas très objectif, je sais, mais que voulez-vous).

Je ressens un certain malaise, parfois, quand je lis des lettres d'opinion publiées dans les médias par des enseignants frustrés et épuisés. Je suis la première à comprendre leur découragement. J'ose à peine imaginer ce que doivent ressentir les profs qui se sont dévoués pendant tant d'années et qui, impuissants, voient leurs conditions se dégrader au fil du temps. Tout cela dans l'indifférence quasi-générale des citoyens qui sont davantage émus par la branlette publique d'une vedette que par le manque de services aux élèves.

Malgré ça, je ne crois pas que ce genre de cri du coeur attire la sympathie envers notre cause...

D'abord, j'ai remarqué que souvent, les revendications étaient de nature individuelle: «mon salaire», «mes conditions de travail qui se dégradent». Montrer plusieurs exemples de frustrations de la vie quotidienne de l'enseignant peut être bénéfique pour aider à mieux comprendre en quoi consiste la tâche  et en quoi les coupures peuvent l'alourdir. Cependant, je ne crois pas que cette stratégie soit gagnante. Pour ceux qui ne baignent pas dans le milieu, il est très facile de penser aux conditions de travail générales d'un enseignant, de comparer avec les siennes et de se dire que le nombre de «congés» justifie amplement le nombre d'heures supplémentaires qu'on leur demande de faire durant l'année scolaire.

Je crois que la manière gagnante de revendiquer est de le faire en laissant de côté les frustrations «trop» personnelles, même si c'est difficile, et de prouver que les coupures affectent concrètement les élèves et la société en général. Pourquoi est-ce qu'il est dangereux de couper dans l'éducation, finalement? Pourquoi est-ce qu'elle devrait être la priorité d'un gouvernement? Justifiez l'importance de la profession enseignante en général et vous justifierez les conditions de travail adéquates du même coup, sans avoir à vous référer aux vôtres.

Encore là, je doute que la population soit réceptive. J'ai l'impression que beaucoup de gens intègrent le discours libéral et répètent sans cesse la même cassette: il faut bien couper en quelque part, tout le monde doit faire sa part, même les enseignants, etc. La triste réalité est que, trop souvent, seuls les acteurs du milieu de l'éducation en comprennent l'importance. Et on a l'impression qu'il faut justifier jusqu'à l'existence même de notre profession. (Après tout, est-ce vraiment utile d'être cultivé dans une société comme la nôtre? Y a les internets pour s'éduquer.)

Personnellement, cette gronde générale me donne encore plus envie de retourner enseigner, aussi paradoxal que ça puisse paraître. Les conditions risquent de se dégrader au cours de années si la tendance se maintient. Mais j'ai envie de vivre cette période de revendications de l'intérieur, pas en tant que spectatrice désabusée. Et j'espère vraiment que les choses évolueront pour le mieux.